Le concept d'infrasocial
Il est remarquable que bien des laissés pour compte de la société arrivent à vivre, sinon bien mais du moins mieux que leur faible niveau de revenu pourrait le laisser entendre. Cela provient d'un mode de vie qui s'écarte de plus en plus du marché de la consommation, qui fait appel à de nouvelles solidarités, qui pratique des échanges et des récupérations et échappe ainsi aux règles du marketing.
C'est ce que nous appelons les pratiques infrasociales.
Ce terme d'infrasocial est généralement employé pour désigner des personnes ou des couches de population extrêmement marginalisées, à la limite de la désocialisation. Il porte une connotation négative chez les sociologues et démographes.
Notre pari est de le relever, de valoriser les cotés positifs de ces pratiques. Nous pouvons définir ainsi ce concept :
DEFINITION :
L'observation de la manière de vivre de bien des personnes officiellement considérées comme désocialisées montre que celles-ci ont souvent recréé un type d'économie hors des normes basées sur les seuls échanges commerciaux, ce qui leur permet de vivre souvent mieux que ne le laisserait supposer le simple montant des minima sociaux.
Cette société, souvent considérée comme marginale est basée sur l'entraide, l'échanges ou la mise en commun de compétences, d'apprentissages et la connaissance des filières économiques d'approvisionnement ou de récupération.
C'est ce que nous appellerons l'infra-social, c'est à dire une société qui a ses règles mais qui semble aussi incompréhensible à des observateurs immergés dans notre société purement mercantiles que ne l'était celle des indiens d'Amérique aux premiers européens qui constataient que chez eux personne ne semblait commander et personne ne semblait obéir : cette absence de hiérarchie était aussi saugrenue à ces colons que l'absence d'échanges monnayés à l'observateur contemporain !
C'est le choix que nous faisons pour la mise en oeuvre de notre projet. Certes, il est possible de le concevoir à grands frais etlivrer un hameau flambant neuf mais cela impliquerait une recherche de financements dont les remboursements viendraient tôt ou tard peser sur la vie des futurs occupants. Mais surtout, nous pensons qu'il ne suffit pas juxtaposer des êtres humains en proclamant la solidarité pour que celle-ci soit effective. Il faut que tous se consacrent à un but commun qui rejoint leur intérêt particulier pour que les véritables relations s'établissent : le sentiment que le groupe est plus que la simple addition des forces et savoirs de chacun. Et sur le plan individuel, il est important de laisser une place à la créativité personnelle qui est la base même de la vie infrasociale.
Nous appliquerons donc les savoir faire développés dans l'infra-social à des structures de micro-socialisation. Leur dimension de taille humaine et leur caractère personnalisé favoriserons l'initiative et la solidarité. Toutefois, la microsocialisation ne signifie ni le recours à des procédés indélicats, ni le mépris de certaines règles telles que la sécurité ou le respect de l'environnement.
La micro-socialisation et la conservation de ses usages éviteront les écueils souvent rencontrés dans le cadre de tentative de réinsertion normative, à savoir le sentiment d'être noyés dans une masse anonyme et la perte de repères familiers et sécurisants. Et pour ceux qui viendront de milieux différents, ce sera la découverte d'un monde dans lequel l'ingéniosité, les "réseaux" de compétence permettent de résoudre certains problèmes autrement que par des solutions financières
Toutefois, l'infrasocial ne constitue pas une fin en soi. Loin d'être la définition d'une perspective d'existence minimaliste, il est plutôt un tremplin vers un autre type de vie qui substitue des valeurs tant humaines qu'environnementales aux seules valeurs matérialistes et financières qui guident notre société mondiale actuelle.